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Des pierres précieuses pour homme au bout des doigts

« Moi aussi j’avais envie de porter des couleurs, des diamants, des saphirs », revendique Toby Vernon. En lançant, à 23 ans, en 2021, la marque de bijoux The Ouze, ce natif de Brighton, au Royaume-Uni, s’est offert un plaisir égoïste. « Pendant la pandémie de Covid-19, en sortant de mes études en mode masculine à l’université de Westminster, j’ai découvert la technique de la fonte à la cire perdue et j’ai imaginé des pièces que j’aurais envie de porter. »
Ainsi, il a incrusté dans des bagues en argent des petites émeraudes, saphirs roses ou bleus, rubis framboise ou grenats cassis. La recette séduit d’autres hommes qui dépensent de 300 à 800 euros pour acquérir un modèle. « Mes clients me disent souvent la même chose, constate Toby Vernon. Je n’avais jamais osé porter des bijoux avec des pierres, mais, avec toi, c’est différent… »
A l’image de The Ouze, des labels créatifs et confidentiels font depuis quelques mois de la bague mêlant pierres de couleurs et argent un terrain d’expression. Une telle association passait pourtant, au XXe siècle, pour sacrilège. « C’est vrai, mais elle n’était pas rare au XIXe. Et, quand je tombe sur des parures anciennes faites d’argent et de pierres dans les musées, je leur trouve une certaine noblesse », objecte Catherine Servel, fondatrice de De Cosmi, qui fait sertir dans l’argent de chevalières des saphirs roses, jaunes ou orange dessinant un losange ou un point d’interrogation.
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Seb Brown enveloppe, lui, d’argent brossé saphirs, émeraudes, topazes, tsavorites ou rubis pour la marque à son nom lancée en 2018. Ses chevalières façonnées à Melbourne trouvent ensuite preneurs au sein du grand magasin londonien Liberty ou du réseau Dover Street Market. Les inspirations de cet Australien installé à Paris qui présente ses collections durant les fashion weeks masculines ? « Les estampes de Jean Arp pour sa pratique collaborative avec des artisans et les peintres aborigènes australiens contemporains pour leurs compositions répétitives, colorées et inspirées de la nature. »
Tous ces créateurs indépendants revendiquent un « 50-50 » : une clientèle composée autant d’hommes que de femmes. Un ratio rare dans le marché du bijou qui prospère depuis plus d’un siècle en privilégiant une cible féminine. Chez Bleue Burnham, designer londonien fantaisiste qui enrichit l’argent avec des pierres multicolores, cette proportion atteint même les 70 % de clients masculins. « Les hommes sont mûrs pour des propositions libres et radicales que les grandes marques ne leur proposent pas. Elles se cantonnent à des options stéréotypées, allant de la chevalière viriliste au bracelet en cordon de cuir », abonde Paul Alvernhe.
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Au printemps, cet historien de l’art et gemmologue a lancé Meteor, marque qui vend (à la commande) des bagues faites d’un magma d’argent noirci ou rhodié, piqué de pépites d’or ou d’éclats de saphirs, de topazes ou d’aigues-marines. « Mon approche est sculpturale », explique-t-il. Quand la joaillerie traditionnelle consiste à choisir une gemme pour la mettre sur le piédestal d’un solitaire, lui donne une forme organique à la pièce et la sertit ensuite. Comme chez Meteor, une esthétique fruste se retrouve chez d’autres jeunes pousses, telle Perez De Vecchi, marque milanaise qui capture des saphirs dans de l’argent imparfaitement modelé.
« Quand sa surface est peu polie, l’argent laisse apparaître empreintes et égratignures », observe Toby Vernon, de The Ouze. C’est ainsi que les chevalières en argent se retrouvent dotées d’une texture irrégulière chez Bleue Burnham, de marques et griffures chez De Cosmi, de sertis qui paraissent dessiner des branches d’étoile autour des pierres chez Seb Brown… Offrant à la préciosité des gemmes de couleurs un écrin métallique ni trop maniéré ni trop lisse.
Valentin Pérez
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